L’allongement de la durée de vie a des répercussions sur nombre de paramètres de notre société. Et l’aspect relationnel n’est pas des moindres. Comment vivre plus longtemps, en couple, avec ses proches, avec les autres? Les liens que l’on noue peuvent se révéler indéfectibles, quelles que soient les générations. Mais certains succombent au temps qui passe, selon les circonstances. Pistes de réflexion avec la thérapeute Céline Jennequin.
“L’espérance de vie augmentant peut vraiment être considérée comme une chose positive à partir du moment où on l’aborde comme telle. Mais vivre plus longtemps ne signifie pas obligatoirement vivre mieux. Il est important de mettre à profit ce temps dont on disposera et de le vivre bien. Avancer en âge n’est pas sans conséquences bien sûr. Avant, nous vivions des étapes bien définies : la petite enfance, l’enfance, l’adolescence, l’âge adulte et enfin la vieillesse. Désormais, il est question de très grande vieillesse et il faut l’aborder avec bienveillance, en gardant à l’esprit l’importance du bien-être, tant physique que psychologique, tirer le meilleur de chaque moment, vivre pleinement.”
“L’enfant qui apprend à recevoir de l’amour sera capable, à l’âge adulte, d’en donner ”
"Un état d’esprit à adopter tout au long de son existence. "Il s’agit, en effet, d’une philosophie de vie à cultiver dès son plus jeune âge. Si on a une idée de la vieillesse comme étant une étape compliquée et lourde, il sera difficile de l’aborder sereinement.”
Y aurait-il une façon de se préparer au mieux, psychologiquement, à une vie plus longue ? "Il faudrait, idéalement, s’axer très tôt sur notre bien-être. Bien sûr, un tout jeune enfant n’est pas apte à en décider lui-même, c’est donc aux adultes de se focaliser sur son épanouissement. Le bien-être, l’estime de soi, le bonheur en couple, la faculté à avoir de bonnes relations avec autrui, tout cela se construit dès les premiers mois de l’existence et passe par l’amour. L’enfant qui apprend à recevoir de l’amour sera capable, à l’âge adulte, d’en donner." Autant d’éléments qui influent sur le développement affectif et psychologique de l’adulte. "S’il existe des failles importantes, l’adulte doit pouvoir effectuer un travail personnel pour ne pas se sentir obligé de tout aller chercher chez son ou sa partenaire. Pour qu'un couple défie le temps, c'est avant tout la relation de soi à soi qui doit être mise au centre de l'attention. ”
“ Pour être bien en couple, et bien dans sa famille, il faut avant tout être bien avec soi”
“Nous créons du lien tout au long de notre vie, à l’école, au travail… En avançant en âge, on peut être confronté à la disparition. Mais il est bon de préciser combien il est important de rester ouvert, de continuer à créer du lien, de continuer des activités, quel que soit l’âge." Car du lien se crée à tout âge, des amitiés et des histoires d’amour peuvent naître sur le tard, avec intensité. "Bien sûr, les circonstances de rencontre se font moins nombreuses mais il faut garder cette curiosité de l’autre”
Généralement, deux adultes en couple sont souvent séparés en journée, de par leur travail et leurs occupations, et se retrouvent le soir pour partager des moments d’intimité. "Ce temps partagé augmente avec la retraite et le départ des enfants de la maison. Il est donc primordial que chacun se réserve des espaces distincts et des centres d’intérêt pour mieux se retrouver. Le lien dans un couple se construit continuellement et jusqu’à la fin. Le psychologue et écrivain Jacques Salomé parle d’intimité personnelle et réservée et d’intimité commune et partagée. Il n’est pas bon que l’un soit en complète dépendance affective de l’autre. Bien sûr, une dépendance peut survenir au moment de la maladie, ce qui peut être lourd à porter. En ce cas, il ne faut pas hésiter à se tourner vers des professionnels. ”
“Apprendre à découvrir et (re) découvrir l'autre chaque jour permet de garder ouvert le dialogue”
La notion de bonheur a beau évoluer, la famille et le couple sont toujours les grandes valeurs refuge. "On aurait tendance à donner à l’autre les clés de notre propre bonheur. Dans les générations précédentes, l’engagement se voulait plus conséquent, le contrat allait de pair avec un acte religieux et la séparation n’était pas envisageable. Désormais, la séparation est devenue la norme et notre exigence par rapport au bonheur a changé. Il existe une injonction, inconsciente, qui est de se mettre en couple avec quelqu’un susceptible de vous rendre heureux. Or, un adulte bien dans ses baskets n’aura pas besoin d’aller chercher chez l’autre ce qui lui manque. Pour être bien en couple, et bien dans sa famille, il faut avant tout être bien avec soi.”
Hier comme aujourd’hui, la clé du bonheur réside dans l’attention à l’autre. "Il faut nourrir sa relation, un couple fonctionne dans le dialogue et l’échange, l’amour et la compassion. Quand on est suffisamment connecté à ce que l’autre vit, on peut le soutenir. Apprendre à découvrir et (re) découvrir l'autre chaque jour permet de garder ouvert le dialogue." Des principes relationnels qui feront des couples d’aujourd’hui les belles histoires de demain.
“Est-ce que vivre plus longtemps est réservé aux privilégiés ? Ce n'est pas ce que nous voulons, n'est-ce pas?”
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