Éric Leire
CEO GenFlow Biosciences
“Il n’y a aucune raison pour que la vieillesse soit un naufrage”
Nouvellement installée dans le Biopark de Gosselies (Charleroi), la société de biotechnologie GenFlow Biosciences a la particularité de se concentrer exclusivement sur la recherche de thérapies dans le domaine du vieillissement. Et au vu des progrès considérables réalisées en matière de thérapie génique, bien des espoirs sont permis. Le but n’étant pas seulement de vieillir plus longtemps mais de vieillir mieux.
Éric Leire est un des fondateurs de GenFlow Biosciences et le CEO de la société. "Médecin, j’ai eu la chance de diriger nombre d’entreprises de biotechnologie et ai participé en tant qu’immunologiste au développement des premiers produits anti-sida. Je me suis dirigé ensuite vers l’immuno-oncologie, en plein essor actuellement. Et à présent, je passe à la biologie du vieillissement, un domaine qui se révèle passionnant. Nous arrivons à une époque-clé où nous bénéficions d’une meilleure compréhension du processus et à des outils de thérapie génique permettant de proposer des solutions.
La volonté est d’agir sur plusieurs critères
Les chercheurs commencent à comprendre davantage les mécanismes du vieillissement et à réaliser toute la complexité du processus. "Il y a déjà quelques années, il a été mis en avant les 9 critères principaux qui conduisent au vieillissement comme le raccourcissement des télomères, l’exhaustion des cellules souches…"
Et chaque société de se spécialiser sur un point en particulier. Mais, à GenFlow, la volonté est d’agir sur plusieurs critères. "En oncologie, nous avons l’habitude de travailler sur des traitements en combinaison. Notre biologie est issue de millions d’années d’évolution et il suffit de cerner une voie d’accès pour qu’une autre se dégage. En matière de vieillissement, il nous apparaît primordial de travailler sur la réparation de l’ADN."
Pourquoi vieillit-on?
"Un ADN endommagé peut conduire à des cellules qui ne servent plus à rien ou induisent de l’inflammation. De nombreux gènes permettent de corriger les erreurs survenant à l’ADN, de le réparer. Mais avec le temps, l’ADN se répare de moins en moins bien car nous avons un nombre limité de gènes. De plus en plus de cellules deviennent sénescentes, nos gènes réparateurs sont dépassés. C’est ce que l’on appelle le vieillissement. On attrape des rides, on ne court plus aussi vite, on ne réfléchit plus aussi bien. Notre idée est de donner à l’organisme des copies supplémentaires de ces gènes supplémentaires en vue d’optimiser la réparation de l’ADN. Énormément de gènes réparateurs de l’ADN ne sont pas accessibles aux thérapies géniques. Il a fallu déterminer un gène à une seule fonction, relativement petit et à même d’être délivré de façon sûre et éthique. Le gène Sirtuin 6 est lié seulement à la fonction du vieillissement."
“En matière de vieillissement, il nous apparaît primordial de travailler sur la réparation de l’ADN”
"Notre collaboratrice Vera Gorbunova, co-directrice du Rochester Aging Research Center à New York, a identifié dans son laboratoire une mutation de ce gène présent que chez les centenaires. Nous allons donc en développer des copies." Parmi ses experts, GenFlow compte aussi le Belge Éric Verdin, présidentt du Buck Institute For Age Research ou encore Manlio Vinciguerra, de l’International Clinical Resaerch Center (ICRC) en Tchéquie et Aubrey de Grey, de la SENS Fundation.
Demain, dans 10 ans
La recherche est un domaine où la patience est de mise, afin de garantir éthique et sûreté. "Nous en sommes au stade pré-clinique, avec l’assurance que notre produit soit fabriqué selon les normes européennes de l’Agence du médicament. Nous envisageons de passer en essai clinique sur l’humain dans les 2 ans, et ensuite à une phase d’essai en cernant plus particulièrement le Syndrome de Werner, une maladie orpheline terrible de vieillissement précoce, avec des essais d’ici 4 ans.
Si on veut vraiment agir de façon significative sur le vieillissement il faut le faire de façon génétique. Mais il ne s’agit pas d’insérer un gène dans notre génome ce qui aurait des conséquences sur les futures générations mais bien d’utiliser un gène à durée de vie limitée. Les progrès considérables dans ce domaine permettent d’agir désormais de façon optimale."
Nous avons le devoir moral de délivrer des thérapies pour un meilleur vieillissement
Mais le premier des conseils n’est-il pas la prévention pônant une meilleure hygiène de vie ?
"Au Moyen- ge, il existait déjà des traités sur la façon de vieillir mieux. Aujourd’hui, des conseils de mode de vie ont un certain impact. La restriction calorique reste indiscutable : manger moins et manger mieux, éviter tout ce qui est alcool, gras, excès de protéines. Faire de l’exercice et ne pas fumer participent d’une prévention logique générale."
Des facultés retrouvées ?
La perspective de pouvoir bénéficier, tous les 3 ou 4 ans, d’une infusion thérapeutique par intraveineuse qui ne prendrait que 2 heures laisse songeur. Faut-il repousser les limites du temps ? "Certes, on cherche à étendre la durée de vie maximale. Mais surtout, à retarder les maladies liées à l’âge et la baisse des fonctions cognitives ou de la force musculaire. Je pense que nous avons le devoir moral de délivrer des thérapies pour un meilleur vieillissement. Si vous avez 100 ans mais que vous continuez à faire votre marathon, votre jardin ou à promener votre chien, vous n’êtes plus vieux. Ce n’est pas la durée de vie notre objectif mais bien la qualité. Il n’y a aucune raison pour que la vieillesse soit un naufrage. Nous pouvons vivre ces années en renouant avec le "faire", avec l’existence, avec les projets, en contribuant à la société."