Jacqueline Bir: je n’aspire pas à prendre ma retraite

Visionnez également la vidéo avec Jacqueline Bir

  • “Il faut du courage pour vivre mais, surtout, la passion alliée à l’énergie et au travail.”
  • “Le fait d’exister pleinement est la plus belle leçon qu’on puisse donner.”
  • “On n'est pas si vieux que ça ! Même si on a 86 ans.”

Jacqueline Bir
Comédienne

"La recette est simple : il faut avoir le goût de la vie"

Jacqueline Bir est, sans conteste, l’une de nos plus grandes comédiennes. Française de naissance mais belge de cœur, elle a joué les plus grands rôles du répertoire. Il y a encore quelques mois, elle était en pleine répétition de sa nouvelle pièce "La dame à la camionnette". Un virus en a décidé autrement, laissant les théâtres portes closes. Mais pas question de se laisser abattre. À 86 ans, cette femme passionnée regorge d’énergie, avec la passion comme maître-mot.

L’envie de devenir comédienne lui est venue dès l’enfance. "Tous les enfants adorent jouer et se déguiser. Comme j’étais fille unique, il fallait bien que j’agrémente quelque peu mon temps libre. J’inventais des spectacles pour mes parents. J’ai découvert le théâtre via l’opéra. Quand j’ai vu une représentation de "Faust", j’ai été absolument fascinée et ce fut le départ de cette passion, ce rêve de vivre une autre vie que la mienne. Réaliser qu’on a un but dans la vie est fondamental et le mien était d’apprendre. J’ai rencontré un Belge (le comédien et metteur en scène Claude Volter, ndlr), lors de mes études à Paris, et j’ai fini par atterrir en Belgique."

Jacqueline Bir a passé son enfance en Algérie, auprès de parents agriculteurs dont la ténacité a forgé son caractère. "La vie était dure là-bas et mes parents m’ont inculqué trois choses : travail, discipline et courage. Je n’ai jamais conçu mon métier comme un plaisir même si jouer la comédie l’est devenu par la suite".

“Je considère le travail comme le seul rempart face à la mort”

La lumière de la Belgique

Jacqueline Bir mène une carrière exceptionnelle, qu’elle n’aurait peut-être pas connu à Paris. "J’adore la Belgique, je trouve ce pays merveilleux et les Belges y sont des gens accueillants, joyeux, bons vivants. La seule chose qui me manque c’est la lumière. Mais j’ai la chance de faire un métier où je suis tout le temps dans la lumière et la chaleur. Je me considère comme belge, d’ailleurs je figure dans le Dictionnaire des Belges et j’en suis ravie ! J’ai passé 64 ans de ma vie ici, autant dire le maximum."

Entre travail et passion

Le dynamisme qu’elle dégage en permanence fait l’admiration de tous. L’énergie serait-elle héréditaire ? "Je pense que je la tiens surtout de ma mère qui débordait de tonus jusqu’à sa mort. Mais surtout, mes parents étaient des gens positifs. Même dans une situation telle que celle que nous vivons avec le virus, c’est ce qui nous permet de surnager, de porter le regard plus loin. Il faut du courage pour vivre mais, selon moi, il faut surtout la passion alliée à l’énergie et au travail. Il m’est arrivé parfois d’étudier le matin, de répéter l’après-midi et de jouer le soir. Ce qui nécessite une acuité d’esprit et une faculté à se montrer vivant, au-delà de ce qu’on peut imaginer.

Je considère le travail comme le seul rempart face à la mort. Tant que nous restons en activité, nous pouvons tenir le coup. D’ailleurs, je me rends compte qu’en dix mois de crise sanitaire, j’ai vieilli de dix ans ! Je n’ai rien à faire et, même si je lis et écoute de la musique, je n’arrive pas à faire circuler l’énergie que j’ai en moi, ni à la transmettre et à la partager. Voilà qui ferait un bon sujet de philo : l’éloge du travail."

Jamais, même face aux drames de l’existence, Jacqueline Bir n’a baissé les bras. "La passion est quelque chose de fondamental dans la vie et j’ai la chance de faire un travail qui est à la fois ma passion, mon travail et mon hobby. Et même si je fais un million de choses à côté, je n’aspire pas comme certains à prendre ma retraite pour aller à la pêche ou à la chasse aux papillons. La passion vous emporte."

“Il faut se montrer curieux de tout ce qui peut vous enrichir”

Hygiène de vie

"Elle est indispensable pour durer dans ce métier qui peut être un feu follet. Je suis assez disciplinée, comme on me l’a inculqué. Je fais attention à ma nourriture, même si je suis une bonne vivante. J’ai toujours essayé de m’entretenir, de nager, de marcher, de faire du vélo… Il est bon de trouver son cadre de vie, sans excès. En fait, la recette est simple : il faut avoir le goût de la vie et se montrer curieux de tout ce qui peut vous enrichir. Pour se sentir bien jusqu’au bout, il faut se donner à fond dans ce qu’est la vie. Beaucoup de gens, depuis plusieurs mois, parlent de nous, les vieux, et de notre fragilité. Mais non, on n'est pas si vieux que ça ! Même si on a 86 ans."

Le bonheur à transmettre

Ses leçons de vie, la comédienne comme la femme les distille, sans grand discours. "Je crois que le bonheur se construit. 2020 me paraissait très loin. Mais je suis là et j’avance. Nous avons à accomplir un certain chemin, alors on y va en y mettant tout son cœur. Il faut croire en soi et se souvenir des belles choses." Quel meilleur enseignement pour les jeunes générations ? "Mes petits-enfants sont adultes depuis longtemps. Je n’ai pas besoin de leur parler car ils considèrent que je suis un exemple de vie. Le fait d’exister pleinement est la plus belle leçon qu’on puisse donner. Il faut avoir de la joie, envers et contre tout."

“Est-ce que vivre plus longtemps est réservé aux privilégiés ? Ce n'est pas ce que nous voulons, n'est-ce pas?”

Regardez la vidéo

“La vie c’est l’absurde. Et la quête du bonheur est d’œuvrer contre cette absurdité, de réinsuffler du sens à la vie”

Écoutez le podcast

“Nous avons le devoir moral de délivrer des thérapies pour un meilleur vieillissement”

Écoutez le podcast