L’IWEPS, Institut wallon de l’évaluation, de la prospective et de la statistique, a mené une étude de novembre 2017 à mars 2019 portant sur une silver économie en Wallonie. Dirigée par Rafaël Ritondo, elle a permis de dégager des perspectives de développement d’une filière de "silver économie au service des aînés pour une qualité de vie".
Avec le vieillissement croissant de la population, la réflexion quant aux services et besoins des personnes âgées s’élargit. Le terme de "silver économie" est apparu au début des années 2000, la silver génération étant les + de 60 ans. Mais il serait réducteur de ne penser à cette population qu’en termes d’économie et de marché. L’étude commandée par le Parlement wallon à l’IWEPS élargit le propos et axe ses perspectives sur la qualité de vie. Analyse avec son auteur Rafaël Ritondo.
Il faut considérer la personne âgée comme étant avant tout une personne
Nous avons, en effet, des groupes aux caractéristiques complètement différentes. En fait, l’âge n’est pas un critère discriminant intéressant. Les profils de consommation dépendent beaucoup plus de facteurs tels le niveau de fragilité, la santé… Il a fallu dès le départ déterminer ce que veut dire "être âgé". La notion de vieillissement ne se rattache pas seulement aux personnes âgées, tout le monde vieillit.
Ce que nous avons voulu montrer dans l’étude, c’est qu’il faut considérer les individus comme des personnes avant des personnes âgées. Pour cette raison, le profil de consommation diffère pour tout un chacun. Notre angle a donc été de partir des besoins effectifs des gens et non pas leur prêter des besoins qui seraient inhérents à leur âge. Nous remarquons une proportion toujours plus importante de personnes très âgées, avec une moyenne de mortalité qui augmente. Ce qui induit plus de temps libre et de temps dégagé de l’occupation professionnelle. Il faut prendre en compte cette expérience d’un temps, après la retraite, vécu en bonne santé, où les gens poursuivent des activités, ont parfois plus de moyens...
Nous avons voulu adopter une démarche de prospective et envisager des ruptures par rapport aux tendances dominantes du présent. Ce qui nous a amenés à questionner cette image générale, négative, de la personne âgée vue principalement comme une consommatrice de soins de santé. En analysant le comportement des seniors, leurs désirs, les études déjà réalisées, on peut relever que les seniors ont un vrai projet de vie et autant envie d’accomplir des choses après leur retraite qu’avant. Bien sûr, la retraite marque un cap: la perte de ce qui occupait la majorité du temps, un réseau social peut-être moins étendu… Mais le projet de vie existe bel et bien. Certes, la forme n’est peut-être pas la même qu’à 20 ans mais ils ont d’autres aspirations. De quoi créer des opportunités économiques et des activités. Il n’est pas question d’étudier la silver économie d’un point-de-vue exclusivement médical, loin de là!
Personne ne se sent âgé jusqu‘au moment où il y a rupture ou fragilité.
Complètement et nous l’avons menée dans cette optique. Tel était l’objectif normatif de l’étude, déjà présent dans la demande du parlement: le développement d’une silver économie pour une vie de qualité en Wallonie. La qualité de vie est au centre de notre réflexion: développer des biens et services pour les seniors, des activités contribuant à leur permettre de vieillir le mieux possible.
Il existe d’abord une différence entre propriétaire et locataire en termes de revenus, avec un impact en termes de précarité. D’un point-de-vue médical, on a tendance à placer souvent la personne âgée en institution ou résidence médicalisée, pour des raisons compréhensibles de soins appropriés, de risques moindres. Mais on se rend compte que le "vieillir chez soi" revêt une dimension essentielle pour les personnes, avec l’avantage de garder ses repères, d’être proche d’endroits connus… Il existe différentes formules aujourd’hui (habitat groupé, Kangourou, intergénérationnel…) mais cela reste encore un signal faible qui pourrait prendre de l’ampleur afin de répondre aux besoins cruciaux en termes de relations sociales. Un élément à prendre en compte si on veut développer une offre de services. Le senior a besoin de continuer à se sentir intégré.
Les personnes âgées savent quels sont leurs besoins, nous n’avons pas à décider à leur place.
Il était déjà important de déterminer concrètement ce qu’est la silver économie. Un des résultats de la recherche est la mise en évidence de plusieurs conceptions très différentes émergeant du travail effectué avec les acteurs de terrain. Silver économie ne signifie pas la même chose pour tout le monde. Nous en avons identifié quatre:
Le but de l’étude était de donner des pistes aux autorités publiques pour créer une filière de silver économie wallonne. Mais elle a débouché sur une interrogation. Parmi nos interlocuteurs, il y avait des représentants des seniors, des personnes plus âgées ayant toujours une activité professionnelle…. Jamais personne ne se sentait "silver"! Certes, le vieillissement de la population est une réalité et il est normal que l’on apporte une réflexion pour dégager des opportunités. Mais le terme même de silver économie peut s’avérer stigmatisant et, en fait, personne ne s’y retrouve car personne ne se sent âgé jusqu‘au moment où il y a rupture ou fragilité.
C’est l’ensemble des biens et des services à destination du bien vieillir des personnes. Et j’attire l’attention sur cette notion du bien vieillir.
Il s’agit avant tout de mettre en place une politique adaptée à la réalité du terrain. Nous avons collaboré avec des acteurs-clé et une diversité maximale, pour dégager des réflexions concrètes: des infirmiers travaillant avec des personnes âgées, des responsables de fédérations, des chefs d’entreprise, les pouvoirs publics bien sûr, des associations de représentation des seniors… Si nous faisons émerger une silver économie wallonne, elle est à construire par tous les acteurs.
Mais notre optique n’est pas le marché du vieillissement mais bien les clés du bien vieillir et les besoins des personnes qui avancent en âge. Les personnes âgées savent quels sont leurs besoins, nous n’avons pas à décider à leur place, un élément essentiel de l’étude. En cela, cette étude est à même de nourrir une réflexion plus large, d’inspirer d’autres pistes, d’ouvrir le champs des possibles, de poser des balises pour l’avenir.
La silver économie en Wallonie: une analyse prospective https://www.iweps.be/publication/silver-economie-wallonie-analyse-prospective/
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